L'enfant vient de terminer de pleurer. Maintenant, il dort. Elle n'a pas vu la couleur de ses yeux, mais elle imagine que c'est comme pour tous les enfants, il a les yeux bleus. Sa main passe sur le front du nouveau-né, elle l'embrasse tendrement. Elle est fatiguée, mais elle n'arrive pas à dormir. Des pensées occupent son esprit et ce ne sont pas les plus joyeuses. Un soupir traversa les lèvres de la jeune femme, elle continuait de caresser tendrement les cheveux de son nourrisson. Puis, l'instinct maternel reprenant le dessus, une berceuse roumaine s'entendit dans la pièce. Fermant les yeux, elle chantait doucement, chuchotant presque pour son enfant. L'idée d'être trop jeune pour avoir un enfant ne lui a absolument pas traversé l'esprit. Elle avait toujours dit qu'elle aurait un enfant pour ses dix-huit ans, c'est ce qu'il s'est passé. Et c'est tout. Elle n'en veut à personne, que ce soit à celui qui l'a mis en cloque, ou à ses parents qui l'ont rejeté. Elle s'en fout, elle a sa merveille.

Jusqu'à ses dix ans, ils ont vécu en Roumanie, dans la capitale. Le jeune Hortense prend des cours par correspondance cette année-là. A six ans, il a intégré une Şcoală primară (école primaire) mais l'année de ses neuf ans s'est assez mal passée. Vous savez, les enfants sont méchants entre eux. Encore plus quand ils sont différents les uns des autres. Hortense n'a pas pour habitude de ressembler aux autres. après tout, il a prénom de fille, il est « roux », il a des tâches de rousseurs, il est grand et il a l'air d'un idiot. Tout ça fait qu'on a tendance à le prendre pour souffre douleur. Sa mère ne le supportant pas, elle a préféré lui faire prendre des cours par correspondance. Cela n'a pas empêché Hortense de se faire des amis et d'abandonner les cours à seize ans. Il n'aimait pas ça. Pourtant, ce n'est pas un homme qui manque de culture -il a dévoré la bibliothèque de littérature classique à sa mère, mais disons qu'il n'aime pas bosser.

Seize ans, c'est aussi à ce moment-là que sa vie a basculé du mauvais côté de la force. Non, c'est exagéré. Mais la vie a voulu qu'à seize ans, il se passe plusieurs choses. D'abord, Hortense fit une grossesse nerveuse. Souvent, c'est ce que font les hommes quand leur femme est enceinte et qu'ils ne savent pas comment réagir. Hortense n'avait pas de femme, mais une meilleure amie, une soeur de coeur... Elle était enceinte de trois mois quand elle l'a annoncé à son meilleur ami - qui lui a d'ailleurs fait une crise de "pourquoi tu ne me l'as pas dit plus tôt ? - qui s'est mis à stresser comme s'il était le père de l'enfant. En même temps, quelque chose le gênait dans cette grossesse... Pourquoi si tôt ? D'accord, Adélaïde a trois ans de plus que lui, elle sait ce qu'elle fait mais... Si tôt. Une boule se forme dans son estomac à chaque fois qu'il pense à ça. Sa mère l'a eu tôt, lui aussi. Et pourtant, ce n'est pas la meilleure idée qu'elle ait eu. Il n'avait qu'à se regarder pour comprendre. Alors, ce choix d'avoir un enfant, il ne comprenait pas. Mais faut dire aussi qu'il ne comprend pas toujours tout non plus.

A seize ans, ce fut aussi le moment où sa mère a annoncé la pire nouvelle de sa vie. Ils étaient dans la cuisine, tout les deux buvaient un thé. L'ambiance était causi, ils rigolaient pour une oui ou pour un non. Puis sa mère prit cet air sérieux qu'il connaissait tant. Il s'arrêta alors, fronçant les sourcils et regardant sa mère. Il la supplia de lui dire ce qui n'allait pas. Supplier et même un bien grand mot. Il s'était levé, était allé sur ses genoux, lui avait embrassé la joue, lui avait fait toutes les promesses du monde. Mais il aurait mieux fait de se taire. La mère, fit un petit sourire. Elle embrassa le front d'Hortense et lui annonça, dans un murmure, qu'ils partaient. Pour l'Australie. Il n'arrivait pas à en croire ses oreilles. Lui ? Quitter Bucarest ? C'était une blague, un mauvaise blague... Pourtant, la jeune femme n'avait pas l'air de rire, du tout. Et les raisons de ce départ énervèrent Hortense encore plus. « J'ai rencontré quelqu'un. Il est très bien tu verras. Cela fait maintenant plusieurs années que l'on se parle. Tu ne l'as jamais vu, mais j'en suis tombée follement amoureuse. On part le rejoindre. Je n'ai plus d'attache ici Horty, et toi tu n'en as pas plus que moi - Et Adél' ? - Elle est comme les autres. Elle te laissera après avoir eu son enfant, son mariage. Les choses de la vie. De toute manière Horty, tu n'as pas le choix... Puis, tu ne te sentiras pas seul. Il a un fils. Je crois qu'il a le même âge qu'Adélaïde. - Je m'en branle. - Horty... ». Et ce fut la goutte d'eau qui fit déborder le vase. Il quitta la cuisine, monta dans sa chambre, et claqua fortement la porte. Il boudait.

Mais il n'eut pas d'autre choix que de partir. Quelques mois plus tard, il avait le cul en Australie. Et ça ne lui plaisait pas. Il y avait eu des complications avec la grossesse d'Adélaïde et il la quittait alors qu'il ne lui restait plus qu'un mois de grossesse. Il se trouvait horrible. Il avait à peine pu assister à son mariage qu'il dut la quitter pour ne pas rater l'avion. Enfin, à par ça, il s'était retrouvé en face d'un vieux. Un vieux mec. Il devait avoir le double de l'âge de sa mère. Il ne comprenait pas comment on pouvait tomber amoureux de ça, mais le pire c'est le fils. Il a réellement trois ans de plus que lui... Imaginez juste l'âge auquel il a fait l'enfant... Des frissons de dégoûts parcoururent son corps alors qu'il montait dans sa chambre. C'est qu'il était riche, ce vieux monsieur. Arrivé devant ce qu'il croyait être sa chambre, il ne se gêna pas pour ouvrir la porter, mais ce qu'il vit le fit refermer de suite. Des rougeurs avaient pris place sur ses joues et il traça jusqu'à sa chambre, et à ce moment-là déposa ses affaires.

« - Hey mec, je suis désolé pour ce que tu as vu.
- Hm.
- T'es qui, au fait ?
- Hortense, ma mère s'tape ton père.
- Aaah. Il arrêtait pas de parler de toi, c'vrai que t'es mignon.
- Je te préviens de suite, je.. Suis pas comme ça.
- C'est ce qu'ils disent tous, regarde, il a fini dans mon lit.
- C'est bien pour lui ! Moi je ne finirai pas dans ton lit.
- On verra ça.
- Malpoli.
- Quoi ?
- Tu ne m'as pas dit comment tu t'appelais.
- Personne.
- Ulysse ?
- C'est un de mes prénoms. »

Ce fut leur première discussion. Et leur dernière vraiment construite. Ils ne se sont jamais bien entendus. C'est idiot mais leurs conversations se résumaient à des disputes, à des insultes, à des tentatives de drague ratées. Il s'évitaient le plus possible, donc finalement ils n'ont jamais fait vraiment connaissance. Pourtant, il y avait quelque chose. Cette alchimie qui fait qu'un être est attiré par l'autre. C'est ce qui s'est passé pour "Ulysse", une attirance simplement physique pour la fleur. Une attirance qu'il se savait dure à assouvir. Mais d'un autre côté, c'était une sorte de défi pour lui. Défi qu'il remportera haut la main. Alors qu'Hortense venait d'apprendre la mort de la petite d'Adélaïde alors qu'elle venait de naître - elle n'avait que trois jours qu'elle est morte d'un traumatisme crânien..., à ce moment-là Hortense ne se sentait pas bien. Et tout le monde sait ce que l'on peut faire lorsqu'on ne se sent pas bien... A moitié bourré, fatigué, pas bien dans ses baskets... Bref, on sait tous ce qu'il s'est passé cette nuit-là. Et Hortense le regrette encore aujourd'hui.

Les mois passaient, et Hortense arriva vite sur ses dix-sept ans. Il prenait chaque jour des nouvelles d'Adél et de son mari qui n'allait pas bien fort. La relation avec son « frère » ne s'arrangeait pas, il lui en voulait toujours autant et pour une raison idiote. S'il n'avait pas bu, et s'il n'était pas allé aussi mal, il ne se serait pas laissé faire alors c'est que quelque part, il le voulait. Pourtant, depuis, il se sentait comme souillé. Mal dans sa peau. Il s'en voulait à lui aussi de s'être laissé faire. Etant persuadé de ne pas être « comme ça » et que c'est un homme qui lui a pris sa virginité ; il y a de quoi. Alors,il le fuyait encore, et encore. Il n'arrivait même à le regarder dans les yeux, mais pourtant il sentait qu'"Ulysse" était toujours là pour veiller sur lui, comme un ange gardien. Il trouvait ça d'ailleurs assez bizarre. Après un tel rejet, lui n'aurait jamais supporté ça. c'est même "Ulysse" qui se porta volontaire pour accompagner le jeune Hortense à Bucarest lorsque celui-ci appris que sa meilleure amie venait d'être veuve. A ce moment-là, il n'avait que dix-huit ans.

Le retour à Bucarest était plein de deuils, de fragilité, de pleurs, de douleur et de cris. Hortense comprenait tout à fait, Adél venait de perdre un enfant, et un mari. Elle ne pouvait pas être plus mal en point que cela. Puis il y avait Ulysse dans l'histoire qui resterait avec Hortense jusqu'à la fin de son séjour à Bucarest. C'est à dire un an. Mais ce que redoutait le plus le jeune adulte, c'est la relation Adél'-Ulysse. Ces deux-là se rapprochaient au fur et à mesure malgré les recommandations d'Hortense. Pourtant, il était au courant lui de commence il consolait les gens; Mais sa meilleure amie n'était pas d'accord apparemment. Et elle ne l'écoutait même pas à vrai dire. Jusqu'à ce qu'elle tombe dans ses bras, qu'il lui fasse du mal et qu'elle vienne pleurer dans ceux d'Hortense. La vie est tellement compliquée.

A l'aube de ses dix-neuf ans, il décida de retourner en Australie, tranquillement. Loin de tout, et de ces conneries de sexes, de tromperies et de pleurs. Il avait même tendance à penser qu'il était dans une série américaine tellement sa vie était invraisemblable. Par moment, il aurait voulu que ce soit faux. Cette vie, ces morts, cette histoire de remariage de sa mère. Des fois, il aurait voulu ne pas vivre cette nuit avec Ulysse qu'il regrette plus que tout au monde, il n'aurait pas voulu que ce bébé meurt, que ce mari meurt, qu'elle tombe dans ses bras et qu'elle recommence peu à peu à se détruire. Et quelque part, il aurait aimé ne pas naître pour ne pas avoir à quitter son pays natal.

Il ouvrit la porte de son chez lui, alluma la lumière et posa ses valises. Derrière-lui se traînait Adél' et "Ulysse". « Home sweet home... » Avait dit le roux avec un petit sourire pour ses comparses. Il était rentré en Australie, son petit chez lui, sa seconde maison quelque part... Sa seconde vie, et nouvelle.