Si je vous raconte que ma vie est un conte de fée, alors je serais la plus menteuse de la ville. Je suis née à Rio de Janeiro en 1988. Mes parents, deux brésiliens pures souches n'étaient pas des gens très aisés, mais ils s'aimaient et c'était ce qui compté. Dieu avait toujours fait parti intégrante de leur vie et quand ils ont eu leur première fille -moi-, ils ne pouvaient qu'apprécier ce cadeau du ciel. Ramon et Paola, deux jeunes gens d'une vingtaine d'année s'étaient mariés douze mois avant ma naissance. Leurs familles n'avaient pas beaucoup d'argent, mais ce n'était pas leur principal soucis dans la vie. Tout ce qu'ils voulaient, c'était offrir la meilleure vie qu'ils pouvaient à leur fille sans que je n'ai à subir la violence de la ville. Sauf que ça ne se passait pas comme ça, et très tôt dans la cour de l'école, la loi du plus fort est de rigueur. Mes parents travaillaient dur, ma mère serveuse dans un diner, voyait des règlements de compte tous les jours. Mon père avait deux jobs, l'un de jour, l'autre de nuit. Malgré le travail, ils réussissaient à s'occuper de moi, du mieux qu'il le pouvait. Notre voisine, une femme d'une cinquantaine d'année me gardait régulièrement quand mes parents faisaient des heures supplémentaires. J'ai huit ans quand ma mère retombe enceinte, j'avais toujours voulu une petite soeur, mais je n'ai jamais su pourquoi ils avaient attendu si longtemps pour avoir un autre enfant. Encore aujourd'hui, j'ignore leurs raisons. Aux rendez-vous chez le médecin, je me souviens que ma mère m'a expliqué que je n'aurais pas forcément une soeur, mais qu'un petit garçon pourrait voir le jour. Au fond de moi, je savais que j'avais raison et que le bébé sera une petite fille. Je ne me suis pas trompée. Lettizia a débarqué dans nos vies, mes parents ont travaillé plus pour gagné la même somme d'argent. J'avais douze ans quand le plus grand drame de ma vie est arrivé. Ma mère et mon père travaillaient, j'étais à l'école, ma soeur était à la garderie. Pendant deux jours, je n'ai pas vu mes parents, la voisine nous gardait ma soeur et moi. Finalement, mon père est revenu, les épaules basses et je voyais qu'il avait pleuré. C'est la voisine qui nous a appris la nouvelle. Ma mère, notre mère était morte. Je n'ai su que plus tard qu'elle avait reçu une balle perdue dans un énième règlement de compte au diner où elle faisait ses heures de service.

A partir de ce jour, tout était différent. Notre père ne nous regardait même plus, il se contentait d'être à la maison quand la voisine s'en allait. Et puis un jour, quelques semaines après l'enterrement de maman, le premier coup est arrivé. Ma petite soeur jouait dans le salon et je la regardais faire, assise sur le canapé en train de faire ma lecture pour l'école. Je ne l'ai pas entendu arrivé, mais j'ai senti sa poigne sur mon épaule. Il m'a soulevé, comme si je ne pesais rien et a fait tomber sa main sur ma joue, tellement fort que tout mon corps a rencontré le sol. Je n'ai pas tout de suite compris ce qu'il se passait, j'avais dû faire quelque chose de travers, peut-être que je n'avais pas ramassé la vaisselle ou que mes notes étaient trop mauvaises pour lui. Aussi, les jours ont passé et il ne nous a plus touché. Pendant quelques semaines du moins. J'allais fêter mes treize ans, mais je n'étais pas stupide. Papa venait de perdre son premier boulot et il ne travaillait que la nuit maintenant, à partir de minuit et jusqu'à sept heures. Il buvait, son petit-déjeuner n'était plus composé de café noir seulement. Un matin, alors que je me préparais pour me rendre à l'école, après avoir accompagné ma petite soeur, je l'ai entendu crier. Rapidement, traversant la petite maison, je l'ai retrouvé par terre, apeurée et le visage marqué. Mon père est parti en courant quand je suis rentrée dans la cuisine. Rassurant comme je le pouvais Letti, je n'étais pas sûre de trouver les bons mots, surtout que je n'étais pas plus rassurée qu'elle. La soignant comme je le pouvais, je me suis rendu compte sur le chemin de l'école que mon père avait disparu en même temps que ma mère. Les mois ont passé, les coups ont continué de pleuvoir sans cesse, les menaces qu'il prononçait si on parlait nous rendaient muettes. Du haut de mes quatorze ans, je me suis dit naïvement que si je ramenais un peu d'argent à la maison il se calmerait. Mais rien. Mon boulot me permettait de rentrer plus tard à la maison et j'arrivais à mettre de l'argent de côté quand il ne me volait pas mon salaire. J'ai dix-sept ans quand je décide la chose la plus égoïste au monde. Après un énième coup de pied qui me brisa une côte et m'offre le bleu gros bleu de ma vie, je ne peux plus rester ici. Mon père n'est plus mon père depuis longtemps et j'en oublie jusqu'à l'existence de ma petite soeur. Je prends l'argent que j'ai mis de côté depuis quelques années, emballe quelques affaires dans un sac et laissant le reste de ma vie dans ma chambre d'adolescente. Nous sommes en juin, l'année se termine bientôt. Je n'ai pas le temps de terminer ma copie que je suis déjà dehors, à me rendre à l'administration afin de connaître les modalités concernant ce voyage en Australie. Mettant dans la confidence mon meilleur ami de toujours, je prépare ma fuite à l'autre bout du monde sans en parler à mon père, ma soeur ou cette voisine, vieille dame à présent. Septembre, mon dix-huitième anniversaire arrive et avec lui mon départ. Il ne m'a fallu que deux mois pour tout organiser, dans le plus grand secret, avec l'aide de quelques faux papiers fabriqués par un des gangs de Rio.

Débarquant à Melbourne avec un groupe d'étudiants brésiliens, j'ai attendu la fin du voyage pour m'éclipser et prendre un bus pour une ville quelconque du pays. Longeant la côte pour arriver jusqu'à Kawana Waters, une ville tranquille où personne ne me demande d'où je viens. Mon accent me trahissant à chaque fois que j'ouvre la bouche, j'enchaîne mensonge sur mensonge jusqu'à tomber sur une âme charitable. Mon permis de séjour se termine bientôt et à lui, je lui dis toute la vérité. Me trouvant un toit et une aide précieuse, les mois passent et je commence à m'installer. Mon moment égoïste de ma vie, la décision de partir seule, je prends conscience que ce n'était peut-être pas la meilleure idée. J'ai laissé Letti seule avec le père et je crains qu'il ne lui arrive malheur. Je n'ai jamais pu empêcher qu'il nous tape dessus, n'ayant pas assez de force ou de volonté, mais fuir, comme une voleuse, je crois que finalement, c'est la pire décision. Je téléphone de temps en temps à mon meilleur ami resté à Rio, demandant de jeter un coup d'oeil à ma petite soeur sans pour autant qu'elle ne l'apprenne. Une année que je suis là, un petit boulot de caissière me permet de payer loyer et nourriture. Je me contente de pas grand-chose. L'âme charitable qui m'a aidée à mon arrivée me donne des cours de self défense et je ne le remercierai jamais assez de tout ce qu'il a fait pour moi. Tous les jours, je pense à Letti, espérant qu'elle s'est échappée de là-bas comme je l'ai fait deux ans plus tôt. J'espère qu'elle sera allé fouiner dans mes affaires, dans mon ancienne chambre, qu'elle aura trouvé mes cachettes et qu'elle n'aura pas hésité à se servir. Mais si j'avais tort ? Mon meilleur ami n'aurait jamais pu me mentir. Trois ans que je suis ici, toujours le même boulot, toujours le même accent, toujours le même petit logement. Quatre ans, toujours le même salaire, des mensonges et d'autres mensonges. Cinq ans, bientôt six ans ici. Je n'ai toujours pas le visa me permettant de résider ici pour toujours et tous les jours, je crains que l'immigration me retrouve. Pourtant, je ne désespère pas et compte bien tout faire pour vivre ici.