(25 lignes minimums) Vivre n’était pas une phrase que j’avais l’habitude d’entendre. Libre ne me disait rien qui vaille et choisir me faisait horriblement peur. J’ai vécu toute ma vie dans un couvant avec des sœurs qui ne comprenait pas le sens des mots, liberté, sourire et amusement. Mes parents sont morts dans un accident de voiture lorsque j’avais 10 ans, mon père était le curé du village, un homme tellement apprécié par tout le monde. J’avais l’habitude de me rendre le samedi soir écouté ses sermons et je lui disais mon opinion, s’était un homme tellement brillant, capable de faire élever une foule avec des mots, un artiste de la parole. Ma mère était une mère au foyer, elle s’occupait de moi, m’aimait comme si j’étais son propre joyaux. Je crois que je suis ainsi en partie à cause d’elle, elle m’a appris à être une bonne femme, une personne avec des valeurs importantes qui n’allaient jamais en démordre. Lorsqu’ils sont partis retrouver Dieu, parce qu’ils sont certainement allé tout droit vers le paradis, j’ai pleuré… Je me suis demandé pourquoi Dieu oserait me faire subir une chose comme celle-là, être orpheline n’était pas une valeur qu’il respectait, alors pourquoi moi? J’ai compris qu’il voulait me ramener sur le droit chemin, me rappeler que rien n’était réellement acquis quand on ne croyait pas. Mon père avait prévu le coup, je sais, comment peut-on prévoir un accident de voiture? Je crois qu’en fait il parlait avec Dieu, il connaissait la vérité et il a fini par l’accepté. Mon père avait laissé une lettre aux sœurs qui fréquentaient son église, leur ordonnant de me prendre sous leurs ailes. Le lendemain de la mort de mes parents, j’ai tout de suite été amené là-bas. On m’a confié une chambre, une bible et un chapelet et on m’a tout de suite demandé de descendre manger. J’ai accroché le chapelet autour de mon coup et je suis descendu sans me poser de question.
Vivre avec des sœurs ça n’avait rien d’amusant… l’horaire qu’elle se forçait à suivre était si stricte qu’on ne pouvait pas prendre trois minutes pour réfléchir. Dormir jusqu’à 7h du matin, ce lever et faire 1h de prière jusqu’à 8h, prendre son petit déjeuner pendant une demi-heure, apprendre à tricoter tout le reste de la matinée pour faire des chandails aux enfants pauvres, diner, prier encore 1h, apprendre à jouer d’un instrument quelconque pour accompagner la chorale du dimanche, souper, 1h de prière et dormir. Ce mode de vie ne me déplaisait pas vraiment, au contraire, il me rendait heureuse. Je vivais dans un cocon de sécurité, je ne pouvais plus souffrir parce que Dieu apaisait mes douleurs, je pouvais sourires de nouveau. Six mois passèrent sans que je n’aie de problème, j’étais la meilleure chanteuse de mon église et je chantais presque tous les dimanches, j’étais une vraie fierté pour les sœurs qui s’occupait de moi, une enfant parfaite. Ma vie allait de train, la perfection quoi… J’avais entendu parler d’une église particulièrement personnalisé dans les techniques vocales, le curé là-bas n’étais pas qu’un professeur de piano mais de chant. Le problème avec tout ça était qu’elle se trouvait en Australie et que je ne voulais pas laissé tomber les sœurs, elles étaient comme mes mères.
On dit souvent que le monde est bien fait, certes c’est la vérité… Mais on n’obtient jamais le bien sans subir le mal. Je me souviendrai toujours de cette fameuse soirée, des cris, des pertes, des flammes entourant le couvant. Tout partait en vrille, j’étais sorti grâce à une sœur, celle qui s’occupait de moi depuis longtemps mais les autres n’avaient pas réussi à fuir l’immeuble en flamme. Nous avons observé le couvant bruler en priant, j’avais ma bible sous le bras, parce que je priais avant qu’elle ne vienne me sortir. J’ai pleuré toute une journée, tout le monde avait péri dans cet accident, je ne pouvais pas m’en remettre. La sœur elle se remontait les manches comme elle l’avait toujours fait, notre histoire était semblable et même si elle était torturé par la peine, elle m’a pris dans ses bras et ma promis que notre vie allait changer. Elle m’a amené dans un autre couvant en Australie et elle m’a demandé de faire ce que je savais faire le mieux, chanté. La cruauté amène la joie, la joie amène le bonheur… Le diable m’en veut peut-être… Moi je sais que tout ce qu’il me reste à faire c’est prendre mon chapelet et ma bible et vivre… Vivre pour tous ceux qui n’ont pas eu la chance de le faire.