Je n'ai jamais vraiment aimé parler de moi, vous savez. Je crois que c'est parce que je n'apprécie pas de raconter ma vie qui est plus ou moins catastrophique, il faut l'avouer. Et puis, je ne sais même pas par où commencer. Ma naissance ? Je tiens à dire que je n'étais pas une enfant voulue. Ma mère était une droguée dépressive qui a accepté de coucher avec un riche homme d'affaire pour pouvoir s'acheter des doses. Elle ne s'attendait pas à tomber enceinte, à ça non ! Et quand elle a essayé de contacter mon père, il lui a répondu qu'il ne voulait pas entendre parler d'elle ou de moi, qu'il était marié et qu'il ne voulait pas que ça se sache. Ma mère m'a fait payé ma venue au monde, et tout ce que cela a entraîné. Elle se venger en me donnant des coups, chaque jour. Et moi j'encaissais, comme si s'était normal. D'un autre côté je n'avais jamais rien connu d'autre alors je ne pouvais pas comparer ma situation à celle des autres. J'ai dû apprendre à me débrouiller seule très rapidement, ma mère était bien trop défoncée pour me faire à manger le soir quand je rentrais de l'école, ou encore même pour penser à faire les courses. À l'âge de cinq ans je savais me faire cuir des pâtes.

La situation a changé quand j'avais six ans. J'ai rencontré celui qui m'a tendu la main pour m'aider. C'était le premier qui le faisait. Je n'avais pas beaucoup d'ami, les autres enfants se moquaient souvent de moi parce que je n'avait pas de père, ou parce que ma mère avait mauvaise réputation en ville. Alors lorsqu'il m'a aidé, en me défendant contre une bande de gamins qui m'embêtaient, alors qu'ils étaient tous plus âgés, j'ai été la première surprise. Je ne l'avais jamais vu avant, alors il devait être nouveau. C'est peut-être pour ça qu'il était gentil, parce qu'il ne connaissait pas mon histoire comme les autres. Et contrairement à ce que je pensais, lui et moi sommes devenus amis, du moins il me protégeait quand j'en avais besoin, et c'était important pour moi, même si je ne cessais de lui répéter que je n'avais pas besoin de lui. J'étais trop fière, même du haut de mon mètre vingt-cinq. Tout à vraiment changé dans ma vie quand je suis allée goûter chez lui pour la première fois. C'était son anniversaire et j'étais la seule invitée. J'avais l'impression d'être atterrie sur une autre planète, les adultes étaient gentils, aux petits soins avec leur fils, et puis avec moi. C'était dingue, je n'avais jamais connu ça au par avant.Le tournant dans ma vie, il est dû au gâteau d'anniversaire. C'est étrange, mais c'est la vérité. Parce que je n'avais pas mangé depuis la veille parce que le frigo était vide et que je me suis enfilée une bonne moitié à moi toute seule. C'était la première fois que je mangeais à quelque chose d'aussi bon. C'est là que les parents de mon nouvel ami ont dû se rendre compte que quelque chose clochait chez moi. Alors ils ont commencé à me poser des questions, et comme "la vérité sort de la bouche des enfants" j'ai tout raconté, ma vie à la maison et ma relation avec ma mère, comme si c'était normal. C'est à partir de ce jour là que j'ai commencé à être plus souvent chez eux que chez moi, ils voulaient m'aider, mais moi je refusais de témoigner contre ma mère. Elle restait ma maman, et j'étais encore une gamine qui l'aimait plus que tout. Et qui en avait affreusement peur aussi.

C'est à l'âge de seize ans que j'ai enfin décidé de me faire émanciper. Je ne supportais plus les coups de ma mère, et ses paroles blessantes qu'elle n'hésitait pas à me cracher à la figure. Après tout je m'étais toujours débrouiller toute seule, alors je n'avais pas peur de vivre dans un appartement. Le truc c'est que je n'avais pas un sous en poche, alors j'ai dû m'installer en colocation. Ce fut un réel changement d'habitude pour moi qui aimait la solitude et le silence. Mais je m'y suis faite. Et puis je n'avais pas trop à me plaindre de mes colocs, des gens adorables, bien qu'un peu bruyants. J'ai dû trouver un boulot pour pouvoir payer ma part du loyer, alors je bossais dans un café le soir après le lycée. J'ai rapidement appris à apprécier ce boulot qui me permettait de rencontrer des gens et de les fréquenter. J'avais passé toute ma vie quasiment seule, alors j'avais décidé que cela devait changer. Au lycée, je n'étais pas la fille populaire que tout le monde enviait, mais plutôt celle qui n’hésitait pas à dire les choses franchement. J'avais un bon groupe d'amis que j'appréciait vraiment. Pour la première fois de ma vie, je me sentais vivante, libre. Mon cauchemar avait enfin l'air de disparaître.

Après le lycée, j'ai fait des études de droits. Je savais déjà parfaitement ce que je voulais faire de ma vie : empêcher des enfants de souffrir, comme moi. Et puis je suis entrer dans la police avant de gagner une place dans la brigade de protection des mineurs. Le truc c'est que je ne m'attendais pas à ce que le boulot soit aussi difficile, non pas au niveau physique, mais plutôt au niveau psychologique. Tous les jours je devais régler des affaires de viols sur mineurs, de kidnapping, de maltraitance. Mais je ne voulais pas abandonner, je m'étais mise e tête d'aider le plus de mômes possible, et j'allai y arriver. Mais le cas qui fut le plus difficile pour moi, ce fut celui d'il y a environs deux semaines. On m'a appelé pour signaler qu'une mère battait sa fille, et qu'on venait d'entendre un coup de feu dans la maison, fermée à clé. Des voisins craignait pour la vie de la petite fille. Alors je m'y suis rendue moi-même, seule puisque mon coéquipier venait de sortir pour aller nous acheter un déjeuner. Mais je ne voulais pas attendre. Cette fillette était peut-être en danger. Imprudence ? Oui, certainement. Mais les flics devait y aller aussi, alors au fond je ne risquait rien. Mais je ne m'attendais pas à voir ce que j'allai trouver. Je suis arrivée la première sur place, et je n'ai pas hésité un moment à défoncer la porte. La maison était plongée dans le noire, les volets n'avait pas été ouverts ce matin. La maison semblait silencieuse et vide. C'est un sanglot qui me fit réagir et avancer vers le salon. Et là.. La première chose que j'ai vu fut le corps de la femme, ensanglanté, étendu sur le sol. J'ai sentie mes jambes céder et j'ai dû m'appuyer contre le mur pour ne pas tomber. J'ai dû aussi reprendre mon souffle et mon courage à deux mains pur faire face à cette scène horrible. C'est un mouvement dans le coin de la pièce qui réussit à dévier mon regard du corps inerte. Une fillette était assise contre le mur, ses joues était inondée de larmes et je pouvais lire la frayeur dans ses yeux. Je me suis approchée d'elle, doucement en prononçant des mots rassurants. Puis je me suis agenouillée près d'elle. Je m'apprêtais à a prendre dans mes bras avant qu'elle me face signe d'une présence derrière moi. Au seuil de la porte se tenait un homme avec un flingue. Je crois que je n'ai jamais eu aussi peur de ma vie. Je cachais la fillette derrière moi pour la protéger et je faisais face à l'homme. Un sourire à vous glacer le sang était dessiné sur son visage balafré. Il a pointé son revolver vers moi, et à ce moment précis j'ai cru que j'allais mourir. Et puis un bruit assourdissant se fit entendre. Le bruit de coups de feu tirés au même moment. Je fermais mes yeux, instinct et réflexe. C'est la main de mon coéquipier sur mon épaule qui me les fit réouvrir quelques instants plus tard. J'étais encore en vie, l'homme était à terre, blessé mais encore vivant lui aussi. Je me retournais vers la fillette et je la pris dans les bras, tendrement comme pour lui signifier que tout était fini. Puis je sortais de la maison. Mon coeur battait encore la chamade.